Les années khmères rouges ont provoqué dans la société cambodgienne une forme d’amnésie qui efface de grandes strates de l’histoire antérieure. L’immense majorité de la population, dont 40 % est âgée de 15 à 25 ans, a aujourd’hui très difficilement accès à sa propre mémoire. Le mutisme et l’excès oubli ne favorisent pas la paix sociale, mais davantage le danger d’une répétition du passé, tout en ruinant le sentiment de posséder une histoire et un monde communs. Si Angkor reste un mythe national, ce sont les effets du génocide mêlés à ceux d’une mondialisation agressive qui façonnent la société : corruption généralisée, rupture ou manque de solidarité entre les générations, perte de valeurs, course effrénée à l’argent facile et à la satisfaction matérielle au détriment des nécessités de la vie collective.
L’ambition de cet ouvrage est de montrer la complexité d’une histoire ne se réduisant pas à la splendeur d’Angkor et à l’horreur des années khmères rouges. Pour en percevoir les enjeux, sont réunis ici quelques-uns des meilleurs spécialistes, qui interrogent successivement les mythes et les survivances des ruines d’Angkor, les processus mémoriels de l’époque du protectorat à nos jours, ainsi que les enjeux de l’art post-khmer rouge. Cette cartographie de la mémoire permet au lecteur de saisir l’imaginaire d’un pays en pleine mutation sociale, économique et culturelle.
Sous la direction de Patrick Nardin, Suppya Hélène Nut et Soko Phay
L’Asiathèque, 2017